Résumé
Plus que jamais la compréhension des processus d'évolution des pratiques pédagogiques doit être révisée pour tenir compte de la situation de pandémie de COVID-19 qui inscrit l'incertitude dans le quotidien. Elle a joué, et joue encore, un rôle révélateur de la capacité des organisations et des acteurs à réagir face à cet inédit non-désiré.
La pandémie fut et demeure un événement qui a fortement perturbé le quotidien des acteurs de l'enseignement supérieur, plus souvent habitués à agir individuellement quand bien même les routines sont légitimées par le collectif et l'institution. Dans un tel contexte comment développer les capabilités individuelles et collectives, capabilités d'un « agir ensemble », nécessaires pour redessiner les pratiques pédagogiques en tenant compte des acquis de la période pandémique ? Trois dimensions sont retenues pour apporter des éléments de réponse à ce questionnement : 1) la temporalité de l'agir, 2) la création de nouveaux repères communs, 3) l'identification des espaces de possible, reliant l'agentivité, individuelle, collective et institutionnelle.
Pour traiter du questionnement initial et des hypothèses formulées en lien avec les dimensions théoriques retenues, une analyse réflexive et distanciée d'expériences d'accompagnement d'enseignants a été réalisée selon le devis méthodologique de l'étude de cas ancrée dans une approche mixte, qualitative et quantitative. Le terrain de l'étude est composé de deux facultés d'une université québécoise (Sciences de l'éducation, Sciences de l'agriculture et de l'alimentation).
Les analyses rappellent l'incidence des pratiques antérieures, de la culture de collaboration préexistante et des degrés de maturités organisationnelle et technologique, et la nécessaire articulation entre agentivité individuelle et collective pour élaborer un répertoire partagé de pratiques résultant d'une négociation de sens. Une agentivité qui se développe dans une dynamique d'appréhension vicariante des tensions entre contraintes et habilitations, qui articule des processus d'instrumentation et d'instrumentalisation. Nous reviendrons sur les apprentissages opérés par les enseignants dans une dynamique de laboratoire de changement. Les résultats de cette étude tendent à montrer que l'agentivité individuelle ne peut se penser en dehors d'une agentivité collaborative et institutionnelle qui participent d'un processus de co-construction, afin que chacune et chacun puisse exercer son pouvoir d'agir, développer ses capabilités dans un espace de possibles aux limites identifiées qui redéfinit une forme de stabilité propice à l'engagement, et qui reconnait, soutient et légitime les actions entreprises.
Abstract
More than ever, the understanding of the processes of evolution of pedagogical practices must be revised to take into account the situation of the COVID-19 pandemic, which inscribes uncertainty into everyday life. It has played, and still plays, a revealing role in the capacity of organizations and actors to react to this unprecedented and unwanted situation.
The pandemic was and remains an event that has greatly disrupted the daily life of higher education actors, who are more often accustomed to acting individually, even if their routines are legitimized by the collective and the institution. In such a context, how can we develop individual and collective capacities, capacities to "act together", which are necessary for the redesign of educational practices, taking into account the achievements of the pandemic period? Three dimensions are retained to provide answers to this question: 1) the temporality of action, 2) the creation of new common references, 3) the identification of spaces of possibility, linking agency, individual, collective and institution.
In order to address the initial questioning and the hypotheses formulated in relation to the theoretical dimensions retained, a reflective and distanced analysis of teacher coaching experiences was carried out according to the methodological specifications of the case study anchored in a mixed qualitative and quantitative approach. The field of the study is composed of two faculties of a Quebec university (Education Sciences, Agriculture and Food Sciences).
The analyses recall the impact of previous practices, of the pre-existing culture of collaboration and of the degrees of organizational and technological maturity, and the necessary articulation between individual and collective agentivity to elaborate a shared repertoire of practices resulting from a negotiation of meaning. An agentivity that develops in a dynamic of vicarious apprehension of the tensions between constraints and empowerments, which articulates processes of instrumentation and instrumentalization. We will come back to the learnings operated by the teachers in a dynamic of laboratory of change. The results of this study tend to show that individual agentivity cannot be thought of outside of a collaborative and institutional agentivity that participates in a process of co-construction, so that each person can exercise his or her power to act, develop his or her capabilities in a space of possibilities with identified limits that redefines a form of stability conducive to commitment, and that recognizes, supports and legitimizes the actions undertaken.